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11 novembre 2015 3 11 /11 /novembre /2015 17:37
« Héloïse, ouille » de Jean TEULE, version impertinente d’un amour de légende…

Au cimetière du Père Lachaise, reposent depuis un siècle, Héloïse et Abélard, dans une même sépulture, éternellement enlacés pour marquer la force de leur amour.

Quand le Chanoine Fulbert présente Héloïse à Abélard et lui demande de pourvoir à son éducation, c’est à l’un des intellectuels les plus réputés du règne de Louis VI qu’il confie sa filleule. Abélard enseigne la théologie à Notre Dame de Paris et il est voué à la carrière la plus prestigieuse. Entre la jeune élève et son professeur c’est un coup de foudre immédiat. L’entente est totale. Elle est à la fois intellectuelle et charnelle. Au point que, très vite, Abélard fait passer ses cours au second plan et oublie la plus élémentaire prudence. Le parrain de sa bien-aimée apprendra cette liaison et en sera furieux. Furieux de leur relation, de l’enfant qui en naîtra, du mariage secret des deux amants … tout cela à l’encontre des règles religieuses que le Chanoine Fulbert voulait transmettre à sa filleule.

La vengeance de Fulbert sera terrible puisqu’il fera appel à deux larrons pour émasculer le brillant théologien. Héloïse prononce ses vœux et se retire à l’abbaye d’Argenteuil. Abélard choisit d’être moine à l’Abbaye de Saint Denis. Il y écrira son cours de théologie, s’engageant ainsi dans un processus de contestation de la tradition qui lui vaudra l’inimitié des plus hautes autorités de l’Eglise. Il sera, toute sa vie, mis à l’index, chassé et condamné.

Il fonde ensuite l’ermitage de Paraclet où une foule d’étudiants le suit bientôt. Devenu Abbé de Ruys, les propres frères de sa communauté tentent de l’assassiner. Condamné une nouvelle fois pour ses écrits hérétiques, il entreprend de se rendre à Rome pour faire appel. Malade, il doit faire une halte au Prieuré de Saint Marcel, près de Chalon et ne reprendra jamais sa route.

Lorsqu’il meurt, en 1142, Héloïse, qui dirige alors le couvent du Paraclet, réclame la dépouille de son défunt mari et fait construire un tombeau à proximité de son abbaye. Lorsqu’elle meurt à son tour, elle se fait enterrer sous le corps de son mari. Objet d’un véritable culte, la sépulture des amoureux sera transférée à Paris au Père Lachaise en 1817.

Le Roman de Jean TEULE << Héloïse, ouille >> se distingue des autres ouvrages consacrés au célèbre couple par sa façon humoristique et très crue de décrire cette idylle. D’aucuns pourraient même qualifier son œuvre de pornographique tant la description des ébats amoureux emprunte au style évocateur du marquis de Sade.

Pourtant, on aurait tort de croire que Jean TEULE ait voulu dévoyer l’histoire des amants célèbres et s’attirer des lecteurs concupiscents. Tout d’abord, la sexualité au Moyen-Age était, s’il on en croit l’historien Jacques ROSSIAUD (« Sexualités au Moyen-Age», Ed. GISSEROT) bien moins contenue qu’on l’a longtemps laissé croire. D’autre part, la description des scènes de sexe, dans ce roman, éclaire le lecteur sur l’intensité de la relation amoureuse entre Héloïse et Abélard. Ces deux êtres s’aiment passionnément et se découvrent une complicité symbiotique. Tout leur paraît simple, naturel, évident. Abélard est envouté par la beauté d’Héloïse et Héloïse est en admiration devant la prestance et l’intelligence d’Abélard. Héloïse a dix-sept ans. Elle a tous les atouts pour profiter de la vie et n’entend pas s’en priver. D’Abélard elle aime l’esprit et aussi le corps. Et de son précepteur elle ne veut pas recevoir que des leçons de théologie. Sa soif de connaissances n’a pas de limites, sa soif de sexe avec l’homme qu’elle aime n’en n’aura pas non plus. Finalement, leur complicité charnelle n’est que le prolongement de leur complicité intellectuelle.

Et puis tout s’écroule, brutalement. Les amants sont séparés et la castration d’Abélard sonne le glas des étreintes passionnées. Pourtant, Héloïse ne laissera jamais s’éteindre la flamme de son amour. Cet amour qu’elle ne peut plus consommer, elle va le repenser, à défaut de le revivre au sein de sa communauté religieuse du Paraclet à la destinée de laquelle elle présidera. Et lorsque, avec << Histoire de mes malheurs>> commence la célèbre correspondance, elle extirpera, du fond de son cœur, sa passion d’adolescente, demeurée intacte.

Abélard, quant à la lui, va suivre un chemin tout aussi escarpé. Puisque les plaisirs de la chair lui sont maintenant interdits, il va se consacrer pleinement à la théologie. Dès 1118, avec « theologia summi boni » il remet en cause la théologie officielle, ce qui lui vaudra les foudres de Bernard de Clairvaux et un autodafé.

Quelques années plus tard avec « Sic et Non », il préconise un retour aux textes et incite ses lecteurs à ne pas se fier aux prédicateurs. « Theologia scholarium » est encore plus novateur. Il favorise l’esprit critique, en appelle à la raison, fait passer la morale par l’intention et apprend à ses étudiants, toujours plus nombreux, une méthode qui deviendra plus tard la « scholastique ». Abélard osera également promouvoir le dialogue interreligieux avec « Dialogue entre un philosophe, un juif et un chrétien. »

Il faut dire que, dans cette deuxième partie du Moyen-Age, marqué par l’intensification des échanges et l’essor démographique, les aspirations au savoir sont fortes. Avec Abélard apparaissent les ouvrages imprimés pour le plus grand nombre. L’apprentissage des sciences humaines n’est plus réservé au Clergé. Et ce que l’on appellera plus tard les universités apparaissent.

Abélard paiera très cher, toute sa vie, son impertinence envers l’Eglise après avoir payé très cher son idylle avec sa jeune élève.

La vie de la belle Héloïse que tout prédisposait à un avenir radieux ne fut pas plus clémente. Pas seulement parce qu’elle sera toute sa vie confinée dans l’austérité de la vie monacale. Mais plutôt parce que l’immense douleur de l’absence ne trouve pas l’écho qu’elle espérait auprès de son mari.

Elle saisit l’occasion que lui offre la publication par Abélard « L’histoire de mes malheurs » pour entamer avec son époux une correspondance de dix-neuf lettres. Elle y revendique la reconnaissance par Abélard du désir autrefois partagé, de la magnifique complicité sexuelle qui les a unis et dont le souvenir la torture quotidiennement au point qu’elle ne parvient pas à prier. Dans « Le travail de l'écriture d'Héloïse dans ses lettres à Abélard. », Analyse Freudienne Presse 2/2005(no 12),p. 153-166, Françoise GUILAUMARD a montré combien cette correspondance est, pour Héloïse, un parcours psychanalytique pour parvenir à faire le deuil de son désir. Pour cela, elle ne craint pas de nommer les choses, notamment dans sa quatrième lettre « Ces voluptés des amants que nous avons simultanément pratiquées, à moi me furent douces et je ne peux ni les détester ni à peine les laisser se dissoudre dans ma mémoire. Où que je me tourne, toujours, elles se glissent devant mes yeux par le désir. »

Il faut du courage, surtout pour une moniale au Moyen-Age, pour oser avouer : « Même quand je dors, il n’y a pas jusqu’aux mouvements de mon corps accompagnés de paroles intempestives, qui ne permettent de prendre sur le fait les cogitations de mon esprit. »

A ce déchirant aveu, Abélard répond par la réprobation. « Cesse ta rengaine, lui admoneste-t-il. » Pour lui, Héloïse a tort de penser encore à qu’il considère comme des errements fautifs de leur jeunesse passée. Et ce qui est arrivé, la castration et la séparation, est providentiel. « Il fallait mettre fin à cette intempérance de la libido, ces actes impudentissimes, ce dévergondage, ces souillures sans vergogne. »

Pour autant Héloïse ne renonce pas. Il lui faut à tout prix, pour retrouver un semblant de paix intérieure, recréer une complicité amoureuse avec Abélard. Elle va alors lui demander d’écrire une règle pour les moniales, une adaptation de la règle que Saint Benoit a écrite pour les hommes. La règle, selon Héloïse, doit être adaptée aux femmes pour tenir compte de leur fragilité. Héloïse se livrera à un énorme travail, rigoureusement détaillé, qui donnera naissance en 1150 à « Nos observances. » C’est incontestablement pour elle un moyen de maintenir un lien privilégié avec son mari. Abélard est abbé de Ruys et il ne peut se dérober aux questions théologiques que lui pose son épouse. Loin de déclencher les foudres de l’Eglise, elle va être à l’origine d’un renouveau du monachisme féminin. Son œuvre est ainsi accomplie. Elle peut maintenant se dire qu’il restera à jamais une trace de ses nuits d’amour avec son amant. Elle peut attendre la mort. Mais elle vivra assez longtemps pour recevoir Au Paraclet, son couvent, la dépouille de son époux.

On ne peut qu’être admiratif devant la force indestructible de la passion amoureuse chez Héloïse. Cet amour qui aurait pu la détruire l’a, au contraire, rendue plus forte. Car elle a su dépasser le stade de la souffrance pour, au nom de cet amour, mener à bien un combat pour la féminité. A défaut de pouvoir partager cet amour avec le seul homme de sa vie, elle le diffusera à toutes les femmes qui décident de se donner à Dieu.

Et Abélard dans tout cela ? Aura-t-il jamais pris la mesure du magnifique engagement d’Héloïse ? Par-delà le caractère mythique de cette liaison, l’histoire d’amour entre Héloïse et Abélard pose peut-être une autre question : le meilleur des hommes sera-t-il jamais à la hauteur de l’amour inconditionnel d’une femme ?

« Héloïse, ouille ! », Jean TEULE, mars 2015, Ed. JULLIARD (cf. également « extraits »)

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21 juillet 2015 2 21 /07 /juillet /2015 23:30
&quot; Tiré à quatre épingles &quot; : le nouveau polar de Pascal MARMET.

Après « Le roman du Café » et « Le roman du Parfum » ( Prix ALBAYANE 2013) Pascal Marmet revient au Polar, registre qui n’est pas inconnu pour lui ( cf. « A la folie », éditions France-Empire, 2012) avec un roman qui baigne dans l’atmosphère inquiétante de la sorcellerie et des arts premiers africains.

Un préfet, collectionneur d’objets d’arts est assassiné. La République est en émoi et le Parquet choisit le commissaire Chanel pour enquêter. Chanel est expérimenté, discret, voire sauvage et surtout efficace. Son taux d’élucidation est largement supérieur à la moyenne des OPJ du « 36 quai des orfèvres ». Mais avant même qu’il ait l’ombre d’une piste, il se retrouve avec quatre cadavres sur les bras. Le temps presse. Faut-il croire à des envoûtements imputables aux MINKONDIS ? A l’œuvre savamment orchestrée d’une veuve cupide et machiavélique ? Ou tout simplement à un trafic particulièrement juteux – une seule statuette pouvant atteindre un million d’euros en salle des ventes- d’objets d’arts ? Chanel donne l’impression de se disperser ? Que fait-il avec cette jeune fille rencontrée dans le train et qu’il héberge dans son appartement défraichi ? Pourquoi veut-il à tout prix retrouver l’homme simplet en chaussures vertes qui se prend pour Peter Pan et qui a élu domicile dans une rame désaffectée de la gare de Lyon ? Chanel n’a qu’un moteur : l’intuition. Un congélateur fermé par un cadenas, une petite vieille faisant les cent pas devant l’immeuble de la veuve du préfet, une hôtesse de l’air cachant son visage derrière un foulard … Toutes ces images furtives sont autant de flashes qui préfigurent la résolution de l’énigme. Lorsque vous lirez, à la page 157 le mot « strangulation » lâché par Chanel, reposez un instant le livre, écrivez sur un bout de papier le nom de l’assassin, repliez le pour en faire un marque-pages et reprenez votre lecture. Ce n’est qu’à la page 270 que vous saurez si vous êtes ou pas un fin limier.

Pascal MARMET est un ami fidèle de ce blog. Il ne manque jamais l’occasion de nous présenter son dernier ouvrage. Nous l’appelons ici « l’écrivain pèlerin » tant il est vrai que sa fréquentation assidue des salons du livre est une de ses marques de fabrique. Il aime aller de ville en ville, installer son stand, guetter l’arrivée des premiers visiteurs, mettre de l’attention dans chaque dédicace, se faire conteur face aux journalistes locaux… Et quand l’affluence est moindre, prendre le temps de converser avec ses amis écrivains. Par plaisir, bien sûr, mais aussi par goût d’apprendre à leur côtés. Pascal est un bâtisseur. Il sait donner à son roman l’architecture qui maintient l’attention. IL sait aussi se documenter pour rendre son histoire crédible. Quant au style, il le fait mûrir comme le vin en cave. Son parcours n’est pas achevé et c’est pourquoi nous continuerons à le suivre. Certainement a-t-il déjà en tête sa prochaine histoire. Peut-être même est-elle déjà terminée. Nous l’imaginons sans peine, au petit matin, les traits marqués par la fatigue d’une nuit d’écriture, rassemblant sur son bureau les feuilles éparses du dernier chapitre de son nouveau roman, alors que la lumière du ciel niçois s’insinue par les persiennes closes de son bureau. Il soupèse dans ses mains l’œuvre achevée, la scrute, la feuillette et déjà il visualise les villes : Le Havre, Fressanges, Rennes, Clermont Ferrand, Besançon, … Paris, qu’inlassablement il parcourra pour la promotion de son livre. Déjà, il pense à l’exemplaire qu’il remettra, avec un peu de solennité et de trac, à Jean d’Ormesson qu’il a déjà si souvent croisé dans les salons. Déjà, il sait que l’académicien, sitôt après l’avoir remercié, lui soufflera, comme une confidence, sa phrase fétiche :

« Pour écrire, il faut avoir vécu des tempêtes. »

« Tiré à quatre épingles », Pascal MARMET, MICHALON EDITEUR, 2015. ( cf. également extraits)

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22 février 2015 7 22 /02 /février /2015 19:33
L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage.

Après le succès de sa grande fresque romanesque 1Q84, où les personnages naviguent entre le monde réel et un monde parallèle, c’est un roman plus intimiste que signe Haruki MURAKAMI avec L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage.

Quand il était lycéen, Tsukuru Tazaki faisait partie d’un groupe d’amis très soudés composé de trois garçons et deux filles. Dans leurs relations, les jeunes gens adoptaient des règles qui devaient leur permettre de devenir une « communauté harmonieuse sans perturbation. » Pour cela, le groupe ne devait pas se morceler. Leurs membres devaient penser et agir ensemble.

Cet accord ainsi scellé fonctionna pendant plusieurs années. Mais quand vint le moment d’aller à l’université, Tsukura décida d’aller à Tokyo. Il voulait faire une école d’ingénieurs pour, ensuite, construire des gares. Ses amis poursuivirent, eux, leurs études à Nagoya. Au début, l’unité du groupe fut préservée : Tsukuru retrouvait ses amis tous les week-ends. Puis un jour, ses amis lui tournèrent le dos sans explication. Ils le rejetèrent définitivement. Tsukuru allait terriblement en souffrir, au point de frôler la mort. Quand il parvint à surmonter cette épreuve il était physiquement transformé.

Commencèrent alors ses années de pèlerinage. Ce furent des années de solitude, au cours desquelles Tsukuru ne se consacra qu‘à son travail. Il menait une vie dépouillée, sans excès, sans ivresse, sans consommation. Tout, chez lui, était réduit au minimum. Et lorsqu’il allait se promener, pour se détendre ou réfléchir, il se rendait dans une de ces gares qu’il avait construites.

Tsukura crut un jour avoir vaincu le mauvais sort car il avait de nouveau un ami, rencontré à la piscine. Mais, bien que les deux garçons eussent des affinités, qu’ils passassent beaucoup de temps ensemble à parler, à lire, à nager, Haida, disparut à son tour, sans explication.

Tsukuru était-il victime d’une malédiction ? Il rencontra enfin une jeune fille, Sara, et, petit à petit, une relation amoureuse prit forme. Comme toute relation amenée à devenir importante, cela commença par un déballage, une mise à plat de la vie de chacun. Chacun voulait savoir ce qu’il y avait dans l’âme de l’autre avant d’y entrer. Sara eut tôt fait de découvrir la terrible blessure de Tsukuru. Elle comprit que son ami souffrait encore, seize années après les faits, de l’abandon inexpliqué de ses amis. Elle l’incita à aller leur parler, à aller chercher auprès d’eux la réponse à la question qui le minait depuis si longtemps : pourquoi ? L’attitude de Sara était celle d’une amante, prête à s’engager, mais pas dans la précipitation. C’était comme si elle lui disait « je t’attendrai mais, d’abord, … je veux que tu règles ça. »

Grâce à elle, Tsukura trouva le courage d’affronter son passé en retournant voir ses amis : Rouge, Bleu, Blanche et Noire… ou plutôt « Pin rouge » ( Akamatsu ), « Mer bleue » ( Omi ), « Racine blanche » ( Shirane) et « Champ Noir » ( Kurono) Il retrouva les garçons à Nagoya où ils avaient fait carrière. Il alla chercher Noire jusqu’en Suède où elle s’était établie après s’être mariée, et il apprit que Blanche était morte assassinée. Mais découvrirait-t-il la raison de la disgrâce qui le faisait souffrir encore aujourd’hui ? Avait-il, à l’époque, commis une faute ? Ou avait-t-il été rejeté simplement parce qu’il était un homme sans intérêt, sans couleur ? Le découvrir, telle était sa quête, tel était le but de son pèlerinage.

Et, pour le lecteur, c’est le secret du roman, la « substantifique moelle », pour reprendre l’expression de Fontenelle. On est captivé par cette énigme et l’on a plaisir à évoluer dans l’univers si particulier de Murakami : les mouvements de foule, les départs et arrivées des rames dans les gares, l’intense concentration qui accompagne les gestes des nageurs à la piscine, l’appartement silencieux de Tsukuru, les restaurants animés où il discute sans fin avec Sara… Et le long voyage en Finlande, en avion d’abord de Tokyo à Helsinki puis en voiture d’Helsinki jusqu’à la maison isolée de Noire, à Hämeenlinna.

Le style de Murakami est à la fois brut et imagé. Il est au service de l’idée, du tableau ou de l’émotion que l’auteur veut faire passer au lecteur. Il ne s’agit pas de faire beau, il s’agit de faire efficace. Comme lorsqu’il dépeint la surprise de Noire « Une petite fossette se creusa sur sa joue droite. Pas précisément une fossette. Plutôt un pli qui annonçait son habituel persiflage. Tsukuru reconnaissait cette expression. » Et comme pour pondérer un peu l’austérité du personnage et du récit, l’auteur l’agrémente d’une référence, qui revient plusieurs fois dans le roman, aux années de pèlerinage de Franz LISTZ, comme il l’avait fait dans 1Q84 avec la Synfonietta de Zanacek

Alors, lorsque le lecteur finit de lire la dernière page du dernier chapitre, que peut-il éprouver ? A-t-il appris quelque chose ? Récolte-t-il une réponse ou plutôt une question ? Est-il si différent de l’incolore Tsukuru Tazaki ? Si, par malheur, le doute s’instille, alors commence pour lui, pour un temps indéterminé, ses propres années de pèlerinage.

L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage

Haruki MURAKAMI, Ed. BELFOND

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12 septembre 2014 5 12 /09 /septembre /2014 23:34
Quand Rémi DUCHENE, l’auteur de «L’Embarcadère des lettres» nous parle des écrivains sous l'Occupation.

Les recherches rigoureuses que Rémi DUCHENE a entreprises pour écrire son essai sur les grands écrivains de passage à Marseille de 1900 à 1950 l’ont inévitablement conduit à se pencher sur leur rôle pendant l’Occupation. Il est ainsi légitime à commenter la peinture qu’en fait Nicolas d’Estienne d’Orves dans « Les fidélités successives. »

J’ai décidé de me procurer l’ouvrage de Nicolas d’Estienne d’Orves, Les fidélités successives, paru cette année en poche, à la lecture de la chronique de Jean-Christophe Fiorile sur le blog bien nommé des Belles lettres : une chronique de grande qualité, qui mettait l’eau à la bouche mais inquiétait aussi quelque peu, au souvenir des dures réalités de l’Occupation et des attitudes épouvantables de la collaboration. Le chroniqueur gardait cependant le sens de la mesure (cette vertu qui fait défaut aux partis extrêmes : on oublie trop souvent que la modération fait partie de l’idéal grec et donc de nos sources démocratiques), mais parvenait toutefois à faire partager ce frémissement d’indignation qui est la marque de ceux qui refusent l’oubli, l’indifférence, l’à-quoi-bon ressasser tout cela. La chronique était donc parfaitement fidèle à l’ouvrage, car Les fidélités successives présente sous forme romanesque un bel exemple de cette indignation tempérée par la modération et le désir de comprendre, qui ne se confond pas avec la justification.

Je ne redirai pas, moins bien que le chroniqueur, le plaisir que l’on éprouve à la lecture des Fidélités successives, son art subtil de peindre les sentiments et les motivations des acteurs dans la tourmente, l’architecture complexe et fascinante du récit. Je souhaiterais en revanche saisir l’occasion de cette lecture pour apporter trois précisions ou compléments.

La participation des truands aux mécanismes de la collaboration n’a pas été le triste privilège de la pègre parisienne. À Marseille, deux autres gangsters collaborateurs retiennent l’attention ; les trop célèbres Carbone et Spirito, truands vendus à la police française pour organiser la rafle de janvier 1943 puis la terrible « visite guidée » du quartier Saint-Jean, afin d’arrêter les indésirables, notamment les Juifs, et de spolier leurs biens. Des milliers de déportés, presque aucun n’est revenu. Il faudrait un grand cinéaste (on pense à Robert Guédiguian) pour réaliser un film, une sorte de Contre-Borsalino, qui restituerait la vérité historique et remettrait à leur place exacte ces truands qui, contrairement à la fausse légende du code d’honneur de la pègre, ont sombré dans le déshonneur.

Merci également à Jean-Christophe Fiorile d’avoir évoqué René Bousquet, excellente conclusion de cet effroyable épisode. Un reportage diffusé sur Arte avant l’été montrait des images d’archives où figurait le sinistre personnage ; il soulignait opportunément que la destruction marseillaise de janvier 1943 avait aussi pour but de montrer aux Allemands que la politique de collaboration allait s’accélérer en zone précédemment libre. Le fait que les évacuations aient été effectuées par les forces de l’ordre françaises était un gage donné personnellement par Bousquet, d’où sa présence sur les lieux. La fureur d’Aragon, dans sa Romance des Quarante mille qui rend hommage aux Marseillais expulsés et déportés en nombre, assez précisément sur ce point ; « ça, des Français », s’indigne le poète au moment d’entrer en clandestinité…

Quant à Sartre, plutôt qu’à l’ouvrage polémique et à charge Une si douce occupation, on se fiera à sa biographe Annie Cohen-Solal (Sartre 1905-1980). Cet excellent ouvrage, également disponible en poche, établit les efforts de Sartre au début de l’Occupation pour fédérer des intellectuels autour d’un projet de résistance, et le faible écho qu’il rencontre même auprès de grandes figures de l’époque – ses visites à Gide et Malraux en zone libre en sont l’une des manifestations. Il rentre dans le rang ensuite, afin de pouvoir travailler et être joué, mais ne peut être classé comme collaborationniste ; le débat reste ouvert sur la portée contestataire d’une pièce comme Les Mouches. S’il fait la connaissance de Camus dans l’aventure de Combat, son inscription parmi les plumes de la Résistance paraît un peu exagérée au regard de ses états de service. C’est pourtant ainsi auréolé qu’il partira à la conquête des Etats-Unis et du Faubourg Saint-Germain, rencontrant le succès qui l’avait fui avant-guerre.

( L'Essai de Rémi DUCHENE, " L'Embarcadère des lettres" est publié aux éditions Lattès )

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5 septembre 2014 5 05 /09 /septembre /2014 20:59
Dans le sillage ( pourpre ) d’un écrivain de pays.

Avec le développement des hypermarchés et des courses en ligne, les marchés n’ont plus vraiment la côte. Ce sont pourtant de formidables espaces de vie, dans lesquels tous les sens sont en éveil.

Nos yeux s’écarquillent pour recevoir toutes les couleurs qui jaillissent des étals et nos narines frémissent au contact des saveurs qui sortent des poulets rôtis, des fruits et légumes bio et des savons à l’ancienne. En zigzaguant entre les présentoirs, on tombe sur un pull ou un jean à la marque improbable, qu’on achète persuadé d’avoir fait une bonne affaire, on essaye un bracelet en cuir confectionné par un soixante-huitard attardé et l’on rejoint, nonchalamment sa voiture en grignotant un morceau de pain au levain avec une tranche de saucisson. Parfois même les marchés recèlent des nourritures spirituelles.

C’était un samedi matin, sur le marché de Genlis. Je sortais du Colruyt d’un pas rapide, soucieux de rejoindre le bureau de poste avant la fermeture. Il était là, campé sur son fauteuil de plage, les mains posées sur les genoux, les coudes en l’air, fier comme un Artaban derrière ses trois piles de livres. Malgré moi, j’oubliais le courrier urgent à récupérer. Je me plantai devant les trois monticules, caressai le premier roman du dos de la main, soupesai le deuxième et ouvris frénétiquement le troisième pour goûter un peu le style. Je cherchai en vain l’éditeur, il n’y en avait pas. Pourtant cette découverte ne me découragea pas. Si seuls les livres édités étaient les bons cela se saurait. Et l’on pouvait tout de même concevoir que quelques belles histoires passassent à travers les mailles du filet des détecteurs de talent. Je ne sais pourquoi, à ce moment-là, je pensai au livre de Valérie TRIERWEILER sur son séjour à l’Elysée qui avait trouvé éditeur … Ô tempora, Ô mores !

Ma décision était prise : je repartirais avec un de ces romans. Et pendant que je sortais un billet de mon portefeuille, Rémy me confectionnait une dédicace dont je ne doutais pas qu’elle serait chaleureuse et personnelle. Puisqu’il n’y avait pas la queue derrière moi, nous avions eu le temps de faire connaissance.

J’ai pris le temps de savourer ce roman pendant mes vacances et j’y ai trouvé le plaisir attendu. << Sillage pourpre>> est un polar des mers et, dans cet univers, Rémy COCHET connaît bien son affaire, en bon marin qu’il est. Comme ingrédient, il fallait un commissaire : GABIAN est un bon flic, qui a le sens de l’amitié, le goût des bonnes tables et la passion des jolies femmes. Il va tomber amoureux d’une inspectrice d’assurances qui enquête sur le vol d’un voilier. Le bateau est au cœur de l’intrigue : meurtres, trafic de cocaïne … les voleurs, qui voulaient simplement profiter de la liberté et de la plénitude qu’offre la haute mer, qui commençaient même à rêver d’une nouvelle vie, sont loin d’imaginer ce qui les attend lorsqu’ils décident de mettre le cap sur Tanger.

Rémy COCHET ne sera jamais Prix Goncourt. Jamais il ne trinquera avec Daniella LUMBROSO dans les dîners qu’elle organise avec des célébrités parisiennes. Mais il continuera à écrire de belles histoires et à apporter un peu de rêve à ses lecteurs.

Samedi prochain, je retournerai au marché de Genlis. Je repèrerai de loin sa bonne bouille derrière sa pile de bouquins. Parce qu’il se sera levé tôt, pour avoir une bonne place, Il se sera un peu assoupi sur sa chaise pliante. Je prendrai, pour le héler, mon plus bel accent d’éternel marseillais expatrié et, en mettant mes mains en porte-voix, je m’écrierai, comme on le fait sur le Vieux-Port :

<< Ho, Rémy ! Il est frais ton roman ! >>

« Sillage POURPRE » de Rémy COCHET, à commander en ligne sur www.rémy-cochet.fr

( cf. également « extraits » )

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22 juin 2014 7 22 /06 /juin /2014 22:52

 

AVT_Nicolas-d-Estienne-dOrves_4701.jpegSoixante-dix ans après la fin de la deuxième guerre mondiale, on s’interroge encore sur les raisons et les circonstances qui ont conduit une grande partie des élites françaises à plonger dans la Collaboration.

A travers le roman de Nicolas d’ESTIENNE D’ORVES on pénètre dans le arcanes du Tout-Paris-Culturel-Collabo et l’on est mal à l’aise d’y découvrir des noms célèbres, cités sciemment ou pour les besoins de l’œuvre romanesque, à savoir Danielle DARRIEUX, RAIMU, COCTEAU et MARAIS et même, à l’occasion de la sortie de sa pièce « Les mouches », SARTRE.

Il faut bien sûr, distinguer les niveaux dans la compromission avec l’occupant nazi  et l’auteur ne l’occulte pas : continuer à tourner ou à monter sur scène pour un public d’uniformes allemands n’est pas la même chose que de faire l’apologie d’œuvres antisémites ou de dénigrer un artiste juif dans « Je suis partout ». Mais quand la France crève de faim et de froid, quand des enfants meurent dans les camps, comment peut-on lever sa coupe de champagne au Ritz à la table de Goëring …    

Pour beaucoup de français ambitieux, l’Occupation offrait des opportunités de statut social. Les sbires d’Hitler n’étaient pas très regardants. Et les scrupules fugaces étaient vite balayés par la voix du Maréchal déclarant sur Radio-Paris de sa voix chevrotante «  Français, n’aggravez pas vos malheurs par des actes qui entraineraient des représailles … »  

Les camps, la solution finale, finalement, les collaborateurs ne les avaient jamais vus, même si ... A la fin du roman, l’auteur met fort justement dans la bouche de REBATET cette terrible réplique : « Ca nous arrangeait tous de ne rien savoir … »

Au demeurant, ces élites de pacotille sentent bien, au printemps quarante-trois,  que le vent est en train de tourner et qu’il est temps d’assurer ses arrières. On veut s’acheter une virginité. L’auteur décrit alors remarquablement le « double jeu » Chacun veut pouvoir dire qu’il a sauvé un juif et ceux  ignoraient tout du Srtuthof et de Mauthausen feraient bien signer, s’il le pouvaient, une attestation d’honorabilité à ceux qu’il se glorifient d’avoir – entre deux petits-fours arrosés de Dom Pérignon – sauvé des chambres à gaz.

Les juges qui auront à faire le tri à la Libération entre les véritables résistants et les collaborateurs prévoyants n’auront pas la tâche facile. Et si l’on en croit Nicolas d’ESTIENNE D’ORVES, La France convalescente n’a pas échappé à quelques erreurs judiciaires.

Les sept cent pages des «  Fidélités successives » se lisent avec frénésie, comme un roman-feuilleton. D’ailleurs, l’épilogue emprunte au panache et au romantisme d’Alexandre DUMAS.

Il y a, dans ce récit, un personnage historique qui n’est cité qu’une fois. Cet individu, c’est à lui qu’on pense lorsqu’on a lu la dernière page et que l’on referme le livre. On revoit cette photo célèbre prise en 1943 à l’Hôtel de Ville de Marseille, où il campe, élégant et dédaigneux  à côté d’un officier nazi, les cheveux gominés, la cigarette entre les doigts et le sourire aux lèvres, dans un grand manteau surmonté d’un col de fourrure. On pense à ce Haut fonctionnaire français, qui étalait en public le nombre des arrestations – y compris des enfants- comme un tableau de chasse, qui a si bien  pratiqué le double jeu et qui a impunément fait carrière dans la Finance après avoir organisé la rafle du Vel d’Hiv… Ce criminel, qu’un illuminé a volé à la justice de France et aux victimes du nazisme en lui tirant dessus …c’est l’emblème de la Collaboration, c’est sa figure la plus méprisable, cet homme c’est René BOUSQUET.  

 

« Les fidélités successives »  de Nicolas D’ESTIENNE D’ORVES, Le Livre de Poche, Prix des lecteurs 2014. (cf. également Extraits)

 

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5 mars 2014 3 05 /03 /mars /2014 22:59

pascal-marmetBientôt, les villes qui accueillent un salon du livre attendront avec fébrilité Pascal MARMET comme autrefois les villageois guettaient le retour des conteurs des grands chemins. Lorsqu’on entame la lecture du « Roman du Café » on craint que l’auteur n’use et n’abuse du même canevas qui fit le succès de son « Roman du Parfum » couronné du prix Albayane en 2013. Le personnage de Julien serait donc l’érudit et celui de Johanna, l’ingénue ? Et leurs discussions tourneraient autour de l’histoire du café et de l’art de la torréfaction.

C’est bien le cas mais, pour autant, le lecteur n’est pas au bout de ses surprises, surtout s’il appartient à cette catégorie de l’espèce humaine qui rassemble les accros du petit noir. Celui-là se reconnaîtra dans l’amour de l’odeur et du goût de ce précieux breuvage, dans la délectation du choix et de la préparation de ce nectar.

L’amour du café est avant tout une jouissance. Et bien souvent, l’amoureux du café se couche en pensant au bon café qu’il se préparera au réveil.

C’est ensuite un stimulant intellectuel sans lequel Balzac, qui en buvait cinquante par jour, n’aurait jamais pu écrire «  La Comédie humaine. »

Le qahwa est aussi un objet religieux puisqu’utilisé au départ par les soufis pour accentuer leur concentration dans la prière, il sera ensuite interdit par l’émir Kait Bey car assimilé aux boissons alcoolisées.

Le poison noir est même au centre de la politique : l’ambassadeur de l’Empire Ottoman qui le présenta à Louis XIV ne fit pas preuve de suffisamment de déférence envers le Roi Soleil, lequel en fut vexé et n’ouvrit pas les portes de sa Cour à cette étrange décoction.

Au demeurant, rien ne pouvait arrêter la destinée du café. En 1683, la première bottega da café ouvrit à Venise sur la place San Marco et, trois ans plus tard, ouvrait à Paris le Procope qui allait accueillir les plus grands écrivains français depuis Balzac jusqu’à Jean d’Ormesson en passant par Voltaire et Rousseau.

Le roman se mêle au récit historique par l’entremise d’un jeune torréfacteur aveugle, renvoyé par son employeur - qui est aussi son grand-père- et qui ne pardonne pas à son petit-fils d’avoir poussé la porte de la boutique Nespresso des Champs-Elysées. Le jeune expert, seulement soutenu par la journaliste Johanna, va se rendre au Brésil, au cœur des plantations pour donner libre cours à sa passion et oublier la douleur d’avoir été injustement répudié par son aïeul.

Julien découvrira-t-il le secret de sa naissance ? Survivra-t-il, handicapé,  seul et sans emploi ? Reviendra-t-il du Brésil alors que Johanna l’abandonne pour une escapade amoureuse au Costa Rica ?

Seule la lecture intégrale du livre de Pascal MARMET vous apporta les réponses à ces questions et vous livrera aussi des vérités qui dérangent  et qui inquiètent à propos du commerce à grande échelle du café.

L’écrivain-pèlerin est pris à son propre piège. En se voulant conteur, il devient malgré lui écologiste, défenseur de la terre et des paysans fiers de leur labeur, et même dénonciateur des   industriels et des spéculateurs qui, si l’on y prend garde, feront disparaître le café de la planète.

Le roman du café, avec ou ans sucre, est à consommer sans modération.  

 

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4 août 2013 7 04 /08 /août /2013 17:17

j.grisham.jpg Si vous partez demain en vacances et n'avez pas encore choisi le livre que vous allez emporter, ne cherchez plus !  Le dernier John GRISHAM vous comblera, pour peu que vous aimiezle style " thriller juridique ".

David ZINC, un jeune et brillant avocat spécialisé dans les produits financiers dérivés et  travaillant dix-huit heures par jour dans l'un des plus prestigieux cabinets des Etats-Unis, craque et décide, du jour au lendemain, de tout plaquer et de recommencer à zéro dans une très modeste étude qui ne gère que des dossiers dont personne ne veut, avec des honoraires dérisoires. Il veut retourner à la vraie vie et défendre les gens humbles confrontés aux accidents de la vie quotidienne. Il va pourtant suivre ses deux nouveaux associés qui ont entrepris de changer de braquet et d'assigner un grand laboratoire pharmaceutique, croyant avoir trouvé la poule aux oeufs d'or dans un domaine qu'ils ne maîtrisent pas du tout, les produits défectueux.

David détecte très vite les lacunes de ses nouveaux collègues mais il ne les lâchera pas, même dans les moments les plus délicats du procès. Dans le même temps, il instruit seul ses propres affaires, bien décidé à acquérir de l'expérience et de la crédibilité auprès d'une clientèle qu'il se sera constituée. De son côté, l'immense laboratoire Warrick Labs, qui dispose de moyens illimités pour la défense de son médicament anti-cholestérol, le Krayoxx,  qu'il estime injustement attaqué, entend faire mordre la poussière à ses détracteurs.

David a-t-il pris un risque inconsidéré en quittant le prestigieux cabinet Rogan Rothberg dans lequel il était voué à une brillante carrière ? Sa tentative de reconversion ne va-t-elle pas être tuée dans l'oeuf par ce procès contre un géant de l'industrie pharmaceutique ? Le lecteur ne connaîtra la réponse qu'après cinq cents pages de suspense qui défileront à la vitesse grand V.

John GRISHAM est un ancien avocat. Il a écrit  plus de vingt romans dont " La firme " et " L'affaire Pélican " qui ont été adaptés au cinéma.

" Les partenaires " décrit remarquablement tous les rouages du monde judiciaire aux Etats-Unis et l'univers impitoyable des affaires.  L'histoire est toujours crédible, la stratégie de chaque partie au procès est bien mise en évidence et, malgré la gravité des enjeux, l'humour tient une place de choix. Voilà pourquoi ce roman contient tous les ingrédients d'un " livre de vacances " !

 

" Les partenaires.", John GRISHAM, Edtions POCKET, dépôt légal avril 2013.     

 

 

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16 juin 2013 7 16 /06 /juin /2013 23:53

 

remi.duchene« L’embarcadère des lettres » n’est pas un livre sur Marseille. Ce n’est pas davantage un éclairage exotique des écrivains français de passage dans la cité phocéenne. C’est véritablement une peinture d’une « ville en culture » , berceau et source d’inspiration des plus grands écrivains français du XXème siècle. Les hommes de lettres qui y vivent, y séjournent ou y transitent avant d’embarquer pour l’Orient, s’immergent dans la ville et s’en imprègnent de ses couleurs, de ses odeurs et de ses bruits. Cela donne naissance, à la terrasse d’un café, dans une salle de restaurant, dans une chambre d’hôtel ou sur le pont d’un cargo, à des compositions de tableaux que Rémi Duchêne, par un travail minutieux de recherche, a su capter pour nous.

Bien sûr, pour le marseillais de souche ou d’adoption, l’évocation de monuments, de rues ou même d’expressions sera également source d’émotion. Mais c’est à un plus large public que l’auteur s’adresse.

Les amateurs d’histoire seront plongés dans la terrible peste de 1720 – qui inspira Camus - dans la destruction par l’occupant nazi du quartier Saint-Jean – décrite par Aragon dans « La romance des quarante mille ». Ils découvriront les vrais visages des truands célèbres Carbone et Spirito, collaborateurs des nazis, incarnés au cinéma, dans « Borsalino », par des Delon et Belmondo que le réalisateur a eu l’impudence de rendre attachants.

Après l’Armistice, la baie du Lacydon grouille d’intellectuels traqués. L’enfer commence pour Hannah Arendt, Max Ernst, Walter Benjamin … D’autres auront plus de chance grâce aux Etats-Unis qui organisent une véritable filière d’évasion. C’est ainsi que Breton et Lévi-Strauss embarqueront sur un vieux rafiot, le « Capitaine Paul Lemerle » dans des conditions de grande promiscuité. Pour résister à ce pénible voyage, ils passent de longues heures, « sur les rares espaces vides du pont » à converser sur les « rapports entre beauté esthétique et originalité absolue. »

Les hommes de lettres n’ont pas tous une âme de combattant mais certains, comme Eluard, entrent dans la Résistance et leur voix , au milieu des cris de douleur, résonnent comme un chant d’espoir : « Je suis né pour te connaître, pour te nommer liberté ». A Marseille, Audisio lit le poème en public avant que la Royale Air Force ne le parachute partout en France.

A l’été 41, Sartre se rend en vélo jusqu’à Marseille avec Beauvoir pour tenter de créer un réseau d’intellectuels résistants mais il ne parviendra à rallier à sa cause ni Gide ni Malraux et devra renoncer. Décidément , la ville ne lui réussit pas. Deux ans plus tôt, sur le Vieux-Port, il avait rencontré, pour la dernière fois, son complice de la rue d’Ulm, Paul Nizan. Les Nizan étaient en famille, la rencontre ne fut pas particulièrement chaleureuse. Quelques mois plus tard, Nizan tombait au champ d’honneur à Dunkerque.

Pour Malraux aussi, Marseille marque un moment important de sa vie, pas plus heureux d’ailleurs. Il embarque en octobre 1923 sur le « Angkor » pour le Cambodge, le temps de voler des statuettes et de se faire arrêter. Et lorsque le « Chantilly » le ramène à l’Estaque, grâce au soutien sans faille de son épouse Clara et des plus grandes plumes du moment, comme Roger Martin du Gard, Aragon ou Breton, il ne peut se permettre de pavoiser.

Maintes fois, Marseille accueillit Paul Valery « couvert d’honneurs, membre de toutes les académies et de tous les cénacles … » sans pour autant parvenir à le séduire, lui qui avait pourtant publié ses premiers vers dans la « Petite Revue Maritime » en 1889. Il y séjourna tout de même souvent, dans la maison de Marguerite Fournier, située entre le Four des Navettes et l’Abbaye de Saint Victor, y noua une franche amitié avec Jean Ballard, le directeur des « Cahiers du sud » qu’il parraina et soutint toujours ardemment. Pourtant Ballard lui faillit en n’osant pas, par peur des sanctions de Vichy, publier son « Discours sur Bergson »

Autre auteur majeur auquel « L’Embarcadère » accorde une place de choix : Jean Giono. Qui se souvient que « Angèle » adapté au cinéma par Pagnol a été écrit par Giono ? Qui a conscience que « La femme du boulanger » est une adaptation, largement tronquée de « Jean le bleu » ? L’écrivain manosquin, incarcéré au Fort St Nicolas pour pacifisme, instrumentalisé par les allemands ( qui lui accordent un reportage dans Signal), applaudi par les communistes à l’Alcazar, indifférent aux progrès de la Résistance, a été l’un des plus grands peintres de la société marseillaise. Giono décrit les différents quartiers traversés par la ligne de tramway 54, la « lumière pourpre et verte ( c’est l’été ) comme une fente de pastèque mûre », la place Saint Ferréol « tellement pénétrée des reflets de la façade de la préfecture, des reflets des pavés de la place… » Mais dans le même temps, il se moque des marseillais à cause du « soin qu’ils prennent pour que le pli du pantalon ne se froisse pas » et est encore moins tendre avec les marseillaises car pour lui « c’est de la fesse tout simplement qu’il s’agit, même pas propre… »

Assigné à résidence à Marseille à la Libération, ses longues promenades sur le boulevard Baille, en avril 1945, feront éclore « Angelo Pardi », le héros de sa grande fresque romanesque « Le hussard sur le toit »

Le lecteur qui s’engage sur « L’Embarcadère » est étourdi par le spectacle qui s’offre à lui : un port n’est jamais une ville comme les autres et encore moins celui-là qui échange avec le monde depuis vingt six siècles. On est forcément ému de voir comment Marseille s’accapare tous ces écrivains, comment elle tente de les ensorceler et comment ils s’en sortent.

On découvre Colette montrant ses seins sur la scène de l’Alcazar, Madeleine Pagès quittant Apollinaire sur le quai de la gare Saint Charles et murmurant « il faut qu’il s’en aille pour que je puisse penser à lui », Beauvoir, avide de s’imprégner de la ville, qui raconte « je grimpai sur toutes ses rocailles, je rôdais dans toutes ses ruelles, je respirai le goudron et les oursins du Vieux-Port… » Cendrars qui, lui, semble ne pas la comprendre : « Dieu que cette ville est difficile » et Surpervielle qui en tombe amoureux : « Marseille, écoute-moi, je t’en prie, sois attentive, je voudrais te prendre dans un coin, te parler avec douceur… »

En transcrivant ainsi les émotions de chaque écrivain au contact de la ville, Rémi Duchêne donne à Marseille une âme. La cité phocéenne se dévoile et se dessine au fil des pages. Le lecteur la comprend peu à peu par le prisme des personnalités d’intellectuels les plus divers.

 

Si Marseille est une ville de lettres, elle le doit aussi à celui qu’elle a vu naître avec le siècle sur ses berges, le poète Louis Brauquier. Pour l’auteur de l’Embarcadère, écrire sur Brauquier ne pouvait être chose aisée, alors même qu’il en avait déjà une parfaite connaissance. En effet, en 1982, son père, Roger Duchêne ( grand spécialiste de la littérature du XVIIème siècle, éditeur de Madame de Sévigné dans La Pléiade, historien de Marseille, biographe de Proust ) avait publié « Courrier, lettres de Louis Brauquier à Gabriel Audisio » aux éditions Scheffer.

Rémi DUCHENE franchit donc le rubicond et nous parle , comme d’un ami intime, de ce poète marseillais, commissaire de la marine marchande qui décrit mieux que quiconque l’appel du large, l’envie irrésistible de naviguer. Ce sont les poèmes de Brauquier qui ont inspiré à Pagnol son « Marius » qui connut le succès que l’on sait au théâtre et au cinéma. Pourtant Marcel Pagnol, malgré ses promesses au poète marseillais ( « Marius, c’est ‘’Et l’au-delà de Suez’’, je te dois trois millions », lui avait-il dit , lors d’une rencontre en 1930 ) ne lui reconnut jamais officiellement la paternité du personnage central de sa trilogie.

Finalement, Pagnol a trahi Brauquier comme il a trahi Giono et s’il a rendu Marseille célèbre c’est un peu en la dénaturant.

Elle est pourtant torturée cette ville qui « donne ses fils à la mer et ses filles aux marins », cette ville des bars où coule les anis ruisselants, qui accueillent les « filles peu farouches et les équipages multicolores » et qui sont « le théâtre du repli des classes populaires après le labeur », cette ville où le docker « chancelle sous les charges, s’effondre sur les pavés carrés » et meurt « sur les trottoirs au milieu des putains. »

Est-elle donc si dure à vivre au quotidien qu’il faille souvent la quitter ? C’est peut-être ce que nous avoue Brauquier :

 

Je n’ai pas épuisé le bonheur du voyage

La douceur de l’absence et le sens du retour

Les belles nuits en mer , l’accueil frais des rivages

Et tes collines bleues, Marseille, au petit jour

 

Dans cette entreprise qui lui paraissait si difficile, écrire sur Brauquier trente ans après la publication de « Courriers » par son père, Rémi Duchêne réussit pleinement. Il parvient à apporter son propre éclairage de l’homme et de son œuvre. Il fait de l’étude de ce grand poète authentique et humble le point culminant de son essai et parachève à travers lui son message à la ville qu’il aime d’un amour indéfectible, à la façon de l’amour courtois. Ce message décliné sur onze chapitres avec fluidité est servi par un style (cf. extrait) qui n’est pas sans rappeler celui de Camus.

Vient le moment, pour l’essayiste, de mettre fin au voyage et d’écrire le mot « fin ». Comme le ferait un gars du port qui poserait le pied sur le quai après une balade en barque au Frioul, Rémi Duchêne enfonce ses mains dans ses poches, défie pendant de longues minutes le soleil sans ciller, puis encouragé par le mistral qui le pousse à aller de l’avant, lance à la cantonade : « allez, zou, a desias . »

 

L’Embarcadère des Lettres, Rémi DUCHENE, Ed. LATTES.

 

 

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5 mai 2013 7 05 /05 /mai /2013 19:46

pascal-marmetAprès avoir exploré l'ambiance du polar avec << A la folie >>, Pascal MARMET remet sur le devant de la scène son héroïne Sabrina, personnage principal de << Si tu savais >>

Dans ce nouveau roman, on a le plaisir de voir évoluer Sabrina dans sa carrière de "nez" tout en revisitant la carrière de Tony CURTIS. L'acteur, ami personnel de Pascal MARMET, apparaît aux côtés de la jeune femme et l'interroge sur l'histoire du parfum depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours. Le lecteur en profite pour découvrir sa carrière cinématographique de "Trapèze" à " Certains l'aiment chaud" en passant par " Amicalement vôtre ".

Le travail de recherche de l'auteur est tout à fait remarquable et rigoureusement documenté. Et la légèreté du style convient parfaitement au thème.

Un livre à lire absolument et à conserver... pour épater ses amis en racontant l'origine de " Numéro 5 " ou de   " Habit Rouge ".

On se plait toutefois à rêver d'une troisième étape dans la vie de Sabrina, une histoire d'amour dramatique car, ne l'oublions pas, une femme étonne toujours.

 

Le Roman du Parfum, Pascal MARMET, Editions Du Rocher.

 

 

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